Hymne aux murènes


Group Exhibition with Fabienne Audéoud, FSB Press, Cécile Bouffard with Eileen Myles, Pauline L. Boulba, Claude Eigan, Gustave Girardot, Aminata Labor, Natacha Lesueur, Ingrid Luche, Béatrice Lussol, Bruno Pélassy at Triangle-Astérides, Friche la Belle de Mai, Marseille

Curated by Mathilde Belouali

21.06.2024 – 13.10.2024





Claude Eigan
Pissed, 2021 - on going
Pigmented resin, steel, pen, various dimensions




Claude Eigan
Pissed (Lex's dandelion) 2021
Pigmented resin, steel, pen, 54 x 27 cm



Hymne aux murènes
Exhibition view



Claude Eigan
Pissed (Baiser 3000 dandelion), 2021
Pigmented resin, steel, pen, 65 x 25 cm




Hymne aux murènes
Exhibition view



Hymne aux murènes
Exhibition view



Claude Eigan
Pissed (Barbie Deinhoff's dandelion), 2024
Pigmented resin, steel, pen, 64 x 26 cm


Pissed (Stand.To.Pee’s dandelion), 2024
Pigmented resin, steel, pen, 54 x 27 cm




Hymne aux murènes
Exhibition view




Hymne aux murènes
Exhibition view




Claude Eigan
Pissed (Red van dandelion), 2021
Pigmented resin, steel, pen, 39 x 25 cm




Hymne aux murènes
Exhibition view




Hymne aux murènes
Curated by Mathilde Belouali

Malaimées pour leur abord peu commode, leur mine renfrognée et leur vie dans les profondeurs, les murènes ont mauvaise réputation. Comme souvent, c’est injustifié : elles n’attaquent que quand elles se sentent menacées ; autrement elles sont indifférentes et parfois même tendres. Certaines naissent femelles pour devenir mâles au cours de leur vie, ou inversement. Leur apparente bizarrerie les a amenées à devenir les animaux attributs d’Ursula, la « méchante » de la version Disney de La petite sirène, chez qui coïncident une identité de genre trouble et des intentions malfaisantes[1]. Elle les a aussi amenées à symboliser une forme de vie et de désir hors-normes et libérateurs dans le roman d’apprentissage lesbien de l’écrivaine Mireille Best intitulé Hymnes aux murènes (1984).

Rien d’étonnant à ce que cette exposition emprunte son titre à un livre, car elle se nourrit des porosités et des allers-retours entre arts visuels et écriture, dans les pratiques d’artistes et dans l’histoire des lieux. Elle part notamment de l’histoire d’une galerie d’art devenue aujourd’hui librairie féministe et LGBT+ et lieu culturel important du paysage niçois. Fondée en 1998 par Françoise Vigna et Marie-Hélène Dampérat, la galerie Vigna a pendant ses quatre années d’existence mené une programmation libre et dense, guidée davantage par l’amitié et l’expérimentation que par ses modalités d’existence commerciale. Elle s’est fait l’écho d’une jeune génération d’artistes alors lié·es pour certain·es aux ateliers Astérides à Marseille - association aujourd’hui devenue Triangle-Astérides, centre d’art contemporain et résidence d’artistes[2] - avant de devenir, en tant que librairie, passeuse entre des scènes artistiques, littéraires et militantes à l’échelle régionale.
L’exposition Hymne aux murènes a pour volonté de rendre hommage à ce « lieu essentiel et méconnu » et aux « personnages intermédiaires » qui l’animent, celles et ceux qui ne poursuivent pas de carrière individuelle et linéaire, mais qui « établissent des liens, constituent une transition, assurent une communication entre des individus ou des groupes, concrétisent un passage [3]». En regroupant des artistes avec qui la galerie puis la librairie Vigna ont collaboré, ainsi que des plasticien·nes, performeur·ses et éditeur·ices qui creusent et prolongent d’autres histoires de visibilité, de luttes et d’admiration, elle souhaite dessiner par ricochets des géographies queer, des galaxies d’affects et une biographie collective joyeuse, subjective et partielle. Les générations réunies ici partagent souvent, en dépit de leurs vingt ans d’écart, une esthétique commune, volontiers clinquante, sans grandiloquence mais dans laquelle le corps (vibrant, fragmenté, ou contraint) prend une place singulière. Elles ont également en commun un goût pour la recherche et l’approche des murènes, idoles discrètes mais essentielles, tapies dans les recoins des histoires officielles.

[1] Voir à ce sujet la thèse de la chercheuse Ariane Temkine sur l’association récurrente entre les rôles de méchant·es et diverses formes de déviances aux normes de genres et de sexualités hégémoniques dans les films d’animation Disney, intitulée Virus et antidotes : le queer coding dans le cinéma d’animation (1937-1999), en préparation à l’EHESS sous la direction d’Anne Lafont.

[2] Triangle-Astérides est une association née de la fusion des ateliers Astérides avec Triangle France en 2018. Elle fête cette année ses 30 ans, contexte propice à un regard rétrospectif auquel contribue notamment cette exposition.

[3] Laure Murat définit ainsi le rôle et l’importance d’Adrienne Monnier et de Sylvia Beach, et du couple de librairies qu’elles forment dans le Paris de l’entre-deux-guerres. Cf. Laure Murat, Passage de l’Odéon, Fayard, 2003 (réédition L’imaginaire Gallimard, 2024), p. 10-11.


Text by Mathilde Belouali
All pictures by Aurélien Mole